Au cours des 15e et 16e siècles, le peuple Songhoy dirigeait le plus grand empire d'Afrique. Celui-ci s'étendait sur tout l'ouest du Sahel, célèbre pour la gloire de Tombouctou. Les gens l'appelaient la ville de l'or, connue dans le monde entier comme un centre de la culture et de l'apprentissage. Cependant, à un peu moins de cent kilomètres au sud se trouve un lieu dont peu de gens connaissent le nom, Binga, la région englobant le vaste espace sous le désert saharien du Mali. C'est là que le guitariste et chanteur Samba Touré a grandi, et cette ville possède toujours une grande place dans son coeur. En effet, il a beau avoir dû la quitter géographiquement pour trouver du travail à Bamako et aider sa famille, Binga reste sa patrie et le sera toujours. Il a une maison là-bas. C'est sa culture et son héritage. Il lui paraissait donc juste de nommer son album, le quatrième pour le label Glitterbeat, Binga. Un disque de musique songhoy pure avec lequel Samba Touré a fait en sorte que ces racines apparaissent fières et fortes. En les mettant au premier plan, il a cherché à revenir à quelque chose de plus naturel et plus proche du groupe sur scène pour montrer leur véritable identité. C'était important pour lui de procéder ainsi car il ne s'agit pas d'une influence mais bel et bien de son style naturel.

Ali Farka Touré a parcouru le monde, faisant découvrir la musique malienne à tous. Il est surnommé "le John Lee Hooker africain" et on entend en effet des liens étroits entre les deux. Tous deux ont utilisé un style de jeu bluesy aux textures granuleuses, qui suscite à la fois le calme et la fureur. Touré créait un mélange ouest-africain de "blues du désert", qui lui a valu de remporter un Grammy Award, ainsi qu'une vénération internationale. Bien qu'il soit décédé en 2006, l'héritage musical d'Ali se perpétue à travers son fils, Vieux Farka Touré, alias "le Hendrix du Sahara", un guitariste accompli et une véritable star de la musique malienne. Sur Ali, son album collaboratif avec Khruangbin, Vieux rend hommage à son père en recréant certaines de ses oeuvres les plus emblématiques, en y apportant de nouveaux rebondissements, qui ne nuisent en rien à l'intégrité des originaux. Le résultat est une véritable ode à une légende. Ali n'est pas seulement une compilation des plus grands succès de l'artiste. C'est une berceuse, un souvenir de la vie d'Ali à travers des temps forts et des faces B de sa discographie. C'est un témoignage de ce qui arrive quand la créativité est abordée à bras ouverts et à cœur ouvert. L'album a été commencé en 2019, quand Khruangbin venait de sortir le révolutionnaire Con Todo el Mundo, et a été terminé en 2021 en pleine pandémie mondiale. Indirectement, Ali capture cette période et en fait un moment de paix dans une tempête déchaînée, une conversation entre passé et présent, qui ne prête toutefois pas allégeance à la souffrance. Ali est une oeuvre magistrale dans laquelle l'amour qui l'entoure est tout aussi important que la musique elle-même. Vieux Farka Touré et Khruangbin transmettent la bonne parole à une toute nouvelle génération.