Brillant et inquiétant.
Directeur de clinique à Versailles, Jean-Luc mène une vie paisible et aisée, partagée entre son épouse, sa maîtresse et son jeune frère, qu’il a récemment engagé comme chauffeur. Il pensait avoir oublié son père, parti lorsqu’il était enfant sans plus jamais donner de nouvelles. Mais un jour, celui-ci ressurgit. L’énigmatique vieillard, qui ne semble éprouver aucun remords, s’installe peu à peu dans la vie de Jean-Luc, le temps d’un séjour dont personne ne sortira indemne…
Névroses glacées
Tout l’univers d’Anne Fontaine est concentré dans ce film, peut-être l’un de ses plus aboutis. La réalisatrice reprend le canevas familier de l’intrusion d’un élément perturbateur dans un milieu aux apparences paisibles, mais trompeuses, pour brosser le portrait glacé d’une bourgeoisie rongée par ses névroses. Évoquant une lointaine version française du Théorème de Pasolini, le récit se pare d’une dimension psychanalytique clairement explicitée dans le titre. L’identité lisse et factice que Jean-Luc s’est construite à travers sa réussite professionnelle et sociale se trouve bousculée par la présence d’un père devenu, à tous points de vue, un étranger. Le classicisme du scénario et la belle sobriété de la mise en scène servent le déploiement d’une mécanique d’une implacable précision, qui fait progressivement affleurer les troubles et les ambiguïtés de chacun(e). Baigné d’une lumière inquiétante, le film diffuse une atmosphère étrange, décrivant un monde mortifère et figé qui survivra pourtant à la venue du père. Michel Bouquet y excelle, comme d’habitude, apportant élégance et malice à ce vieil homme qui garde jusqu’au bout une part de mystère. Lui et Charles Berling, impeccable dans un rôle un peu plus conventionnel, composent un duo père-fils complexe, auprès duquel Natacha Régnier surprend en bourgeoise malheureuse.